Le suicide, pathologie de la décision ?
Dans Le Mythe de Sisyphe, Albert Camus annonce que la seule question importante pour l'homme est de savoir s'il faut ou non se suicider. Camus faisait le constat de l'absurdité du monde, pour envisager le suicide comme solution logique devant l'absence d'issue et de sens. Dans un second temps, il développait sa « philosophie de l'action », aboutissant à la conclusion que l'homme peut donner du sens à son existence à travers l'action. Au terme de cette réflexion, il proposait l'idée que le suicide est un « mauvais choix », qui survient lorsqu'on a perdu de vue la possibilité d'agir en toute liberté. Aujourd'hui, des expériences psychologiques réalisées par notre équipe semblent indiquer que les gens qui se suicident échouent plus que la moyenne dans des tests de choix où il faut évaluer les risques et les avantages de plusieurs décisions possibles. À quoi est due cette difficulté de choisir ? Avant de démêler cette question, évoquons dans ses grandes lignes la question préoccupante du suicide.
Les conduites suicidaires se définissent comme un ensemble hétérogène d'actes ayant en commun une « certaine intention de mourir ». Ainsi le spectre des conduites suicidaires s'étend des gestes ayant pour objet la volonté d'alerter son entourage sur un problème dont on ne trouve pas la solution à des gestes intentionnels et létaux dont le sujet réchappe par chance, et au suicide abouti. Étudier le suicide et tenter de comprendre comment certaines personnes peuvent « en arriver là », c'est étudier l'ensemble de ces comportements.
Lorsqu'on demande à une personne ayant survécu à un acte suicidaire (personne que nous appellerons suicidant) les raisons de son geste, cette personne invoque bien souvent des conflits familiaux, des difficultés conjugales, des soucis d'argent, etc. Tous ces problèmes de la vie quotidienne ont une importance capitale dans le déclenchement de l'acte suicidaire. Cependant, suffisent-ils à expliquer un geste d'une telle gravité ?
La vulnérabilité aux conduites suicidaires
Une autre explication pourrait être l'existence d'un trouble psychiatrique. En effet, les autopsies psychologiques, technique consistant à récolter auprès de l'entourage du défunt des informations sur son état psychologique avant sa mort, montrent que la grande majorité des personnes décédées de suicide souffraient auparavant d'un trouble psychiatrique, le plus souvent une dépression, de problèmes d'abus d'alcool et de drogues, d'un trouble de la personnalité ou d'une schizophrénie. Toutefois, la plupart des personnes souffrant de ces troubles ne se suicident pas ! Ceci suggère que, si l'existence d'un trouble psychiatrique est un facteur ...
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